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L’HISTOIRE
Une « reine » d’histoire.
Vespasien avait reçu le commandement de Néron pour réprimer le soulèvement de Judée. Devenu empereur, il laissa à son fils Titus le soin de terminer cette campagne, d’écraser la révolte juive et de prendre Jérusalem (71 après JC). Bérénice, princesse juive de la famille des Hérode, avait pris parti pour les Romains et pour Titus en particulier. Vespasien donna ordre à Titus de rentrer à Rome, interrompant ainsi la liaison entre les deux amants. Huit ans plus tard, à la mort de Vespasien, Bérénice vint à Rome pour tenter de renouer les liens, mais sans succès.
Quant à Antiochus, il devint roi de Comagène, territoire qui avait été province romaine jusqu’en 38 après JC. Il soutint Vespasien dans la campagne de Judée et participa au siège de Jérusalem au côté de Titus. En 73, la politique romaine changeant à nouveau en Orient, il perdit sa couronne et se retira à Rome.
C’est donc à Rome que Racine réunit les trois héros de la pièce.
LA PIECE - « Choisir, c’est renoncer ». André Gide
« Dans cette tragédie racinienne, plainte à trois voix, il n’y a ni horreur, ni fureur. Pas de violence, pas de sang versé. Que des larmes. Celles de l’amour et du renoncement, celles de l’affrontement entre deux impératifs inconciliables : sentiments et politique. Pas de mort donc, et pourtant... Les choix forcés laissent chacun des protagonistes presque morts et condamnés à passer de la confusion à la peine éternelle. »
Nedjma Van Egmond, journaliste - à propos de la pièce, 2007, www.fluctuat.net
Depuis cinq ans, Bérénice vit à Rome auprès de Titus et attend que celui-ci l’épouse ainsi qu’il avait promis de le faire après le décès de son père Vespasien. Devant les hésitations de Titus, Bérénice ne manque pas d’explications :
le deuil d’un père, la nouvelle charge d’Empereur, la présence même de leur ami commun Antiochus qui vient de lui déclarer un amour ancien et jusque là silencieux. Bérénice est forte de ses convictions de femme aimante : « Titus m’aime : il peut tout ; il n’a plus qu’à parler ». Mais Titus n’épousera pas Bérénice et se séparera d’elle. Le drame de Bérénice est donc celui d’une désillusion suivie d’une résignation, qui voit l’héroïne changer peu à peu.
La pièce raconte comment Bérénice dominera sa douleur en devenant maîtresse d’elle-même. « Je connais mon erreur et vous m’aimez toujours » Quand Bérénice comprendra qu’elle n’a pas été trompée, que son amour a été payé en retour et qu’elle se sait toujours aimée, elle acceptera la séparation définitive.
D’un bout à l’autre de la tragédie, Bérénice reste une amoureuse achevée, tendre, passionnée et surtout désintéressée. Mais est-ce vraiment une tragédie ?
LA FIN DE LA TRAGEDIE
Comment peut-on envisager d’évoquer la fin de la tragédie (que G. Steiner, à qui nous empruntons l’expression, situe à l’époque romantique) à propos de la pièce de Racine ? Si nous nous référons à cette définition d’un poète anglais : « La tragédie doit conter une histoire. Comme vieux livres nous en gardent mémoire. De l’homme au faîte du bonheur. Qui choit du haut de sa grandeur. Et finit en très grand malheur », nous constations que Bérénice n’entre pas dans ce cadre. Dans le tragique, l’élévation puis la chute des Grands incarnaient et mettaient en pleine lumière le drame universel de la « chute de l’homme». Or dans la pièce, aucun des trois héros ne chute vraiment et l’histoire ne finit pas par un très grand malheur. Les forces qui brisent Titus, Bérénice et Antiochus ne les brisent qu’extérieurement et ce, grâce à la sagesse rationnelle de Bérénice. Le « véritable » héros tragique n’aurait pu comprendre ces forces ni les soumettre à la sagesse. Bérénice, elle, le peut et le fait.
LE TEXTE
Comme dans toutes ses pièces, Racine, par son style pur, élégant, intransigeant, demande une attention parfaite et non pas une émotion tumultueuse ou une identification à l’action. Ici, tout se passe à l’intérieur des mots. C’est la parole qui fait naître l’émotion parce que les mots et les phrases s’ordonnent en figures pour construire le discours. Parfois les mots emportent, enferment. C’est le cas de Titus qui glisse sur la pente qui sépare la personne humaine de la cause abstraite ou de la nécessité stratégique du « prince politique ». D’autres fois, comme dans le cas d’Antiochus, les mots servent de leitmotiv et donnent à la pièce son énergie poétique et ses images précieuses: « Madame il vous souvient que mon coeur en ces lieux reçut le premier trait qui partit de vos yeux » Quant à Bérénice, ses mots sont là pour dire que la vérité est accessible par le coeur et pas seulement par la raison. Ils séduisent, nous touchent, ne cherchent pas à nous convaincre.
Crédit photos : Christian DRESSE
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