Zoom Coup de Pouce
Sortie : le 23 Novembre 2011
VU - 3 Zooms
Film français, irlandais
Réalisé par Agnès Merlet
Avec Rachel Hurd-Wood …
Romance fantastique – 1h35 -
Interview Ciné-Zoom par internet d'Agnès Merlet.
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4ème FESTIVAL EUROPÉEN DU FILM FANTASTIQUE DE STRASBOURG 2011
SÉLECTION OFFICIELLE AU 17ème ÉTRANGE FESTIVAL 2011
Distributeur : Wild Bunch Distribution
Musique originale de Eric Neveux
L'histoire : Dans la famille Furlong, l'aîné de chaque génération est doté d'un pouvoir extraordinaire, pour le meilleur ou pour le pire. Le dernier de cette lignée, orphelin de mère, il découvre la nature du sien lors d'un accident qui cause la mort de son père et de sa grand mère. Quand il stresse, il tue toute vie qui l’entoure, aussi bien végétale, qu’animale. Il grandit dans un hôpital spécialisé. Après avoir malencontreusement tué des enfants de son pensionnat, il s’enfuie et trouve refuge dans une cabane au cœur de la forêt... Quelques années plus tard, une adolescente en révolte, atteinte d’un cancer incurable, se réfugie elle aussi dans la forêt. Leur amour va révéler une force inattendue de la "malédiction" du garçon…
Notre avis : Une romance, qui est un conte fantastique noir, où, le scénario original, nous entraîne sur ce que l'on peut hériter de nos parents, surtout sur ce qui est le plus négatif et néfaste. Un héritage lourd à porter, qui peut se reproduire dans nos attitudes et nos actes. Un film métaphorique, sur cet héritage qui ronge et qui peut bouleverser des vies. Le film d'Agnès Merlet est optimiste, car l'amour sauve, lorsque l'on est compris et écouté par l'être aimé. L'amour guérit de tous les maux, c'est peut être simpliste, mais que la vie est plus belle avec amour. Certains despotes s'ils avaient l'amour au quotidien, n'en seraient peut être pas là et un monde qui serait fait de plus d'amour, serait surement plus humain. Cette histoire peut résonner de cette façon en nous et entrevoir un avenir plus doux. La mise en scène est sobre et efficace, allant à l'essentiel, renforcée par les gros plans et par la nature bouleversée. Une composition d'images esthétiques, malgré la noirceur qui s'en dégage, mais où la lumière pointe... Il est préférable de voir la version originale, pour être encore plus imprégné de la tonalité de ce film de genre qui nous touche ! Gérard Chargé - 3 Zooms -
CZ : C'est la première fois je crois, que vous n'écrivez pas le scénario, pourquoi ? Et qu'est-ce qui vous a interpellé dans celui-ci ?
Agnès Merlet "J'ai été séduite par le script original de Nick Murphy, un jeune auteur d’origine irlandaise. Il m'a été proposé par Jean-Luc Ormières, l’un des producteurs délégués de DOROTHY, mon film précédent. C'est la première fois que je choisis un sujet dont je ne suis pas à l'origine. Dans le scénario, j’aimais les changements de ton, notamment cette sorte de prologue burlesque qui renforce, à contrario, l’émotion suscitée par la suite du récit. Mais avant tout le script abordait des thèmes qui me sont proches : le passage à l’âge adulte dans un environnement familial violent, la difficulté de communiquer avec le monde extérieur, la campagne, milieu où j'ai passé mon enfance, et la maladie. Mon frère est mort de la même maladie que l’héroïne, au même âge… Tout cela, je n’avais pas su ou osé l’aborder dans mes propres scénarios. Le script de Nick Murphy me le permettait sans sombrer dans la noirceur, en allant vers la lumière."
CZ : Si je vous dis, que cette histoire est très métaphorique et qu'elle résonne en nous, que me répondez-vous ?
Agnès Merlet "HIDEAWAYS possède certains codes du film pour enfants ou plus exactement pour adolescents, mais il va au-delà par un questionnement des rapports de l'homme et de la nature. Tant que l'homme considérera la nature comme une entité inerte, il continuera de la détruire. Grâce aux travaux de certains scientifiques dont le biologiste anglais Rupert Sheldrake, on redécouvre aujourd'hui que le cosmos possède une force créatrice, qu'il est capable de s'autodéterminer, en somme qu'il est un être vivant."
CZ : C'est une histoire positive finalement, malgré la fin, que nous ne dévoilerons pas ?
Agnès Merlet "HIDEAWAYS recréait un monde imaginaire qui symbolise un univers idéal où la mort servirait à quelque-chose. C'est la mort qui fait renaître la vie comme le cycle de la nature évoqué à la fin du film, celui des feuilles mortes qui fabrique le terreau où les nouvelles graines vont pouvoir pousser pour redonner de nouvelles feuilles."
CZ : On peut dire que c'est un conte ?
Agnès Merlet "Oui, HIDEAWAYS est un conte. Souvent le héros de conte de fées, après une rupture avec sa famille, poursuit sa route dans la solitude ; il est aidé par des choses primitives avec lesquelles il est en contact, un arbre, un animal, la nature, toute chose dont l'enfant se sent plus proche que ne l'est l'adulte. Il devra chercher, voyager et souffrir pendant des années d'existence solitaire avant de pouvoir rencontrer et sauver une autre personne, établir éventuellement des liens durables avec elle. Ici le héros ira jusqu'à sacrifier sa propre vie pour sauver autrui. Comme les contes, HIDEAWAYS nous est raconté par un personnage dont on comprend à la fin qu’il en a été l’un des protagonistes. A la manière des romans gothiques de la littérature anglaise du XIXème siècle, l’histoire mêle romantisme et fantastique, amour et mort. Mais ici la mort ne signifie pas uniquement la fin de la vie, elle permet la renaissance, exactement comme le cycle de la nature évoqué dans les dernières scènes. HIDEAWAYS recréait un monde imaginaire qui symbolise un univers idéal où la mort serait utile."
"Comme dans le mythe de Frankenstein – et je pense surtout au roman de Mary Shelley – le personnage principal est incompris et rejeté. Son pouvoir l’a isolé de la société : il est un être pur et inoffensif qui donne la mort sans jamais l’avoir voulu. Il est le dernier d’une longue lignée, dotée de pouvoirs plus ou moins dangereux pour autrui. Souvent, les contes mettent en scène des familles qui se construisent, se modifient, se défont pour aboutir à une nouvelle configuration à la fin du récit. Ici, l’amour permettra de modifier la donne originelle. Je voulais que le fantastique soit ancré dans la réalité, que les personnages soient sexués, que ce soit un acte physique et pas un désir éthéré qui transforme le cours des choses."
CZ : Que vous permet ce genre, par rapport à vos films plus ancrés dans le réel ?
Agnès Merlet "Faire des films fantastiques n'est pour moi qu'une continuation de ce que j'avais alors esquissé. Déjà, Mon premier film LE FILS DU REQUIN faisait des incursions dans le fantastique, par exemple lorsque Martin, le héros, se projetait dans "Les champs de Maldoror" de Lautréamont et s'imaginait vivre dans un monde aquatique. D'ailleurs le film n'était pas loin d'être un conte contemporain, même s'il n'en possédait pas tous les codes. Je me suis nourrie au cinéma expérimental lors de mes études aux Beaux-Arts. C'est là que j'ai découvert "Le Sang d'un poète", de Cocteau, "Le Mystère du Château du Dé", de Man Ray, les films des surréalistes dont "Le Chien andalou" et "L'Age d'or", et d'autres films de Luis Buñuel comme "L'Ange exterminateur" ou encore "Meshes of the afternoon", de Maya Deren. Ces films ont été marquants pour moi. Je faisais à l'époque moi-même des films expérimentaux qui flirtaient avec ce même univers étrange."
CZ : Dans vos films, les adolescents sont meurtris le plus souvent. Ce sont les blessures de "l'enfance", qui vous interpellent pour vos sujets le plus souvent ?
Agnès Merlet "Il y a des choses que l'on a vécu et que l'on ne peut pas renier. Elles ressortent quoique l'on fasse. Sans être purement autobiographique, mes films ont toujours une part très personnelle en eux qui revient de film en films."
Agnès Merlet "Après mon second film, ARTEMISIA, un film d'époque avec les contraintes inhérentes au genre, je voulais revenir à un projet plus léger d'un point de vue logistique et plus libre au niveau de la mise en scène. J'avais écrit un scénario qui s'appelait "L'Imbécile", et qui prolongeait des thèmes abordés dans LE FILS DU REQUIN, notamment la violence chez les adolescents. Il se passait dans le milieu des étudiants aux Beaux-Arts. Mais après avoir relancé le projet plusieurs fois, il n'a pas abouti. Peut-être faisait-il peur, en particulier aux chaînes de télé ? En France, on trouvait le projet trop anglo-saxon. J'ai pris conscience que la seule possibilité de garder l'univers noir que je décrivais, c'était de l'aborder sous un autre angle, le film de genre. Dans le cinéma anglo-saxon, le travail sur le genre permet autant qu’avec le film d’auteur d’exprimer une vision du monde personnelle. Et puis la langue anglaise permet de trouver d'autres sources de financement qui n'obligent pas, par exemple, à chercher des acteurs « bankables » sur le marché français, dont l'agenda est bien rempli. HIDEAWAYS s'inscrit directement dans la lignée de DOROTHY."
CZ : La nature est très importante dans votre film, qu'est-ce qui vous unie à elle ?
Agnès Merlet "La nature irlandaise offrait un cadre idéal et majestueux pour ce conte romantique noir et me rapellait peut-être indirectement la campagne où j'ai été élevé. Pour moi la nature et toujours un personnage du film. La nature est tantôt complice tantôt cache des forces obscures."Agnès Merlet "Les effets spéciaux liés à la malédiction. Je voulais que les effets de la malédiction de James soient réellement montrés et non évoqués comme le proposait le scénario. On a quelque fois utilisé au cinéma des personnages qui avaient le don de transformer la nature mais on ne le voyait jamais à l'écran. J’aurais aimé pouvoir filmer le dépérissement et la renaissance de la nature image par image, mais c’était impossible, nous ne tournions pas "Microcosmos" ! Finalement, nous avons eu recours à des effets spéciaux, d'abord à la prise de vue et puis en post-production numérique. Ils étaient en partie conçus à partir de stock-shots documentaires, ce qui demandait à être très précis sur le tournage."
Agnès Merlet "L’écran large participait de la stylisation que je voulais donner à l’image. J’ai demandé à mon chef-opérateur, l’Irlandais Tim Fleming, d’utiliser parfois en extérieur des lumières artificielles, proche d’une sorte de crépuscule permanent. J’aime les images du photographe américain Gregory Crewdson : par un détail, par un éclairage, une scène apparemment réaliste bascule dans le fantastique. Il y avait aussi un fort enjeu de décor. Fallait-il tourner en hiver pour disposer d’une authentique « forêt morte » ? Fallait-il tourner en studio, ce qui ne m’attirait guère ? Finalement nous avons trouvé en Irlande une forêt privée et nous avons tourné au printemps : ses propriétaires nous ont autorisé à creuser le sol pour faire apparaître les racines des arbres que nous avons effeuillés et peints en noir. Il était très important de voir la forêt verte derrière les arbres morts. J’imaginais quelque chose entre la forêt de "Sleepy Hollow", de Tim Burton, et la zone interdite de "Stalker", d’Andreï Tarkovski. La forêt morte représente en quelque sorte l’âme de James ayant renoncé à la vie, tandis que Mae vit dans un univers plus coloré."
CZ : Votre prochain film ?
Agnès Merlet "Il est encore un peu tôt pour en parler. Mais le film sera tourné en français."
Propos recueillis par Gérard Chargé.
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