Ciné-Zoom

C'est au XIIe siècle que l'Irlande est envahie pour la première fois par les Anglais. A l'époque le pays est composé de domaines féodaux gouvernés par les barons locaux. Au fil des siècles, les propriétaires anglais s'enrichissent aux dépens du peuple irlandais. Une population de colons est installée pour diriger le pays au nom des Anglais. Les lois maintiennent les Irlandais en état de servilité. En plus du revenu des loyers et des impôts, l'Irlande fournit à l'Angleterre produits alimentaires et main d'œuvre à bas prix. Famine, expulsions et misère sont le lot de la population rurale. Dans le sillage de la Révolution française, l'association des United Irishmen se bat pour l'indépendance du pays. Au XIXe siècle, le mouvement Fenian Brotherhood poursuit cette lutte. À l'aube du XXe siècle, l'aspiration à l'indépendance ne peut plus être ignorée, même si elle est constamment combattue par le pouvoir britannique. Après avoir assisté à plusieurs exactions des troupes anglaises sur ses concitoyens, et notamment la famille de sa jolie fiancée, Damien, un jeune Irlandais en partance pour Londres, afin de devenir docteur, rejoint les troupes de paysans en lutte. Ils se frottent aux redoutables Black and Tans, troupes anglaises envoyées par bateaux entiers pour mater les velléités d'indépendance du peuple irlandais. Il retrouve son frère Teddy, figure de la résistance locale, qui ne manque aucune action pour faire payer à l'envahisseur sa tyrannie et son arrogance. Alors que la détermination des insurgés mène les Britanniques dans l'impasse, les deux parties conviennent d'un traité pour mettre fin aux effusions de sang. Une victoire qui abandonne une partie de la patrie aux mains des Anglais et semble pour les uns un bon compromis en attendant plus mais irrecevable pour les autres. Alors que Teddy rejoint le parti de la raison, son frère, plus absolutiste, rejoint les rangs de ceux qui continuent la lutte pour une Irlande complètement affranchie du joug de sa Gracieuse Majesté. La lutte ne dresse plus des Anglais contre des Irlandais, mais des frères contre des frères, des Irlandais contre d'autres Irlandais.

Le goût de la victoire possède un goût amer et personne ne profitera vraiment de cette victoire qui en blessera plus d'un profondément. Dans ce nouveau volet d'un cinéma engagé et dénonciateur, Ken Loach, aborde un thème rare dans le cinéma anglais, celui des révoltés qui donnera naissance à l'IRA , et une partie de l'Irlande libre. Il nous montre bien combien cette liberté, qui devait être comme un vent qui balaie les cheveux d'ange des champs, ne laissera que douleur et rancoeur. Dans cette lutte, ce qui l'intéresse, ce n'est pas de savoir s'il fallait profiter de la victoire pour aller jusqu'au bout ou accepter le compromis pour un mieux plus tard. Il nous montre que l'Angleterre, en donnant son indépendance aux Irlandais, leur laisse au passage un cadeau qui leur coûtera cher. En annexant une partie de cette Irlande, ils arrivent encore, sans être dans le reste du pays, à y semer la mort entre les familles. C'est toujours le même thème, quelle que soit la guerre, la domination d'un peuple sur un autre, d'un individu sur un autre et l'impunité des bourreaux au nom d'une souveraineté, d'une idée, ou de raisons obscures. Ils nous montre un peuple bafoué, humilié, perdu, mais qui continue à lutter pour son bon droit, celui de vivre à sa façon, libre. Automatiquement, nous pensons à l'Irak, et à tout peuple occupé mais avec la meilleure volonté du monde. Cela voudrait-il dire que les peuples ne sont pas libres de disposer d'eux-mêmes comme le dit la Convention des Droits de l'Homme ? Cela voudrait-il dire qu'il ne faut jamais mettre la tyrannie à bas ? Ken Loach soulève bien des questions dont les réponses ne sont ni jamais toutes noires, ni jamais toutes blanches. Outre des qualités techniques irréprochables, cette version numérique de la Palme d'Or, « Le vent se lève » est un petit trésor. Sur l'édition simple, le commentaire de Ken Loach et de Donal O'Driscoll, conseiller historique sur le film, donne un éclairage certain sur les évènements présentés à l'écran. Au lieu de simplement expliquer ses choix de montage, de casting, etc., il raconte comment de petits détails donnent toute sa crédibilité au long-métrage. Par ailleurs, dans l'édition collector vous découvrirez un long entretien entre Ken Loach et le metteur en scène Robert Guédiguian sur l'ensemble de la carrière du cinéaste britannique. Loach explique comment il sélectionne ses comédiens, sur l'écriture de ses scénarios ou sur le choix de ses collaborateurs. Un documentaire qui nous transporte au coeur de l'oeuvre de Ken Loach, ses choix, sa façon de réaliser, son univers réaliste, naturel, humain, et moins évident, son sens de l'humour. Un réel complément au long-métrage, “ Le vent se lève”, primé à Cannes en 2006, déjà devenu un classique, devrait aussi l'être en DVD.